Dominique Méda : « Le bon temps de travail, c’est celui qui permet à tous de travailler ! »
Derrière cette question, ne s’en cacherait-il pas une autre ? : celle de la façon de le faire, salarié-e ou indépendant-e, à temps choisi dégagé de la pression sociale ?
je connais personnellement l’économiste Dominique Meda pour avoir travaillé avec elle dans les années 2000 sur “Gepetto”, un projet atypique de garde d’enfants pour les familles travaillant en horaires décalés et dont l’offre de garde était quasi nulle. C’est une personne intègre et généreuse qui défend l’idée d’une meilleure répartition du travail en général, bien loin des priorités actuelles qui tendent vers une ubérisation grandissante de la société : en dépit d’une apparente liberté d’action que représente l’auto-entreprise dont le résultat final en est trop souvent la précarité.
Si Dominique Méda apporte des arguments convaincants et concrets sur le plan économique, la réponse à cette question est-elle pour autant le salariat ? D’une manière générale, probablement oui … encore faudrait-il que les règles de la vie en entreprise soient considérablement modifiées, à commencer par supprimer ce lien de subordination entre un-e “patron-e” et un-e “employé-e”. Cela suppose changer de paradigme, d’aller vers de nouvelles formes de gouvernances, et je crois que nous n’y sommes pas encore prêt-e-s, ni individuellement pour la plupart des gens, ni a fortiori pour les “patron-e-s”. Et pourtant ces “nouvelles” existent depuis belle lurette, même si de plus actuelles commencent à voir le jour.
Pour exemple il n’y a en France aujourd’hui que 3, vous avez bien lu, uniquement 3 entreprises qui fonctionnent en SAPO, société anonyme à participation ouvrière – une formule de 1917 (!) qui permet une répartition du travail et des rôles bien plus équitables que dans les statuts habituels – voir un exemple de ce type de fonctionnement avec la société Ambiance bois en Corrèze : Ambiance Bois est une entreprise autogérée où les employés ont choisi d’être tous rémunérés au même salaire. Le PDG est renouvelé tous les 2 ans par tirage au sort parmi les volontaires.) Ambiance Bois n’est pas une coopérative telle que définie par l’identité coopérative, en effet la SA n’est pas régie par le principe « une personne une voix ». Néanmoins, la SA est contrôlée par la SCMO qui elle, respecte ce principe5. L’entreprise compte 25 salariés en 2015. Aller sur le site de l’entreprise…
Il peut y avoir ainsi une réponse plus nuancée à cette question : le choix d’un travail plus occasionnel, celui d’une “précarité choisie” et non subie, s’accordant avec un mode de vie non pas précaire mais simplement plus modeste et sobre sans pour autant revenir à la bougie. C’est le choix de plus en plus d’hommes et de femmes, encore minoritaires certes, mais un choix également courageux et réfléchi qui ne va pas forcément dans le sens de l’auto-entreprise telle qu’elle est présentée aux candidat-e-s, celle ci restant la plupart du temps dans le shéma décrit par Dominique Méda : “Certains auto-entrepreneurs travaillent de très longues heures pour des revenus extrêmement faibles : au bout de trois ans, 90 % d’entre eux gagnent moins que le smic et leurs revenus s’élèvent en moyenne à 460 euros par mois“.
La réponse pourrait donc plutôt être : le bon temps de travail c’est celui que je choisis, que ce soit salarié-e, indépendant-e, dans un temps qui me permette de développer ma créativité en m’épanouissant plus en tant que personne que bête de somme … ce qui est très bête en somme !
Pour compléter cette réflexion sur le temps travail je vous invite à visionner ce débat sur l’organisation du travail avec cette émission “Le monde libre” sur “Le Média” … dommage qu’en deuxième partie d’émission, un des invités n’ait pas respecté les règles du débat par un manque évident d’écoute des autres – et aussi très rigide dans ses positions – il avait pourtant certains arguments qui reflètent une réalité certaine – , sinon les 3 autres ont partagé des informations tout à fait intéressantes sur le sujet :